Ca roule pour le drive, décryptage du click & collect alimentaire

click & collect, distribution

Le système du drive révolutionne nos habitudes d’achats, faites un point sur les évolutions.

L’e-commerce et la grande distribution réunis sous une seule et même bannière, c’est le drive.

Tendance de fond de l’alimentaire en ligne, sa viabilité est étroitement liée à la capacité des distributeurs à appréhender correctement son modèle économique. Mais sa pérennité pourrait être menacée.

La distribution de produits alimentaires connait une profonde mutation.

A l’instar de nombreux secteurs, le grand responsable de cette transformation est l’e-commerce. Année après année, l’explosion des ventes en ligne fait miroiter à la grande distribution un levier de croissance, devenu quasi incontournable pour l’évolution de leur activité.

Le mariage de ces deux mondes a débuté en 2004, lorsque le groupe Auchan crée un nouveau modèle désormais connu de tous : le drive, ou « click & collect » de l’alimentaire. Sorte de compromis entre achats en ligne et achats en magasins, il permet notamment de se débarrasser de l’un des freins majeurs au développement des cybermarchés : les frais de livraison.

Depuis, un long chemin a été parcouru. Au premier semestre 2013, selon une étude Nielsen publiée en juin dernier, plus de 250 ouvertures de drives ont été recensées, portant ainsi à 2 321, le nombre total de drives en activité sur l’ensemble du territoire hexagonal. »Toutes les enseignes ont compris qu’elles devaient investir ce territoire soit pour gagner de nouveaux clients, soit pour ne pas en perdre », explique Thierry Desouches, porte-parole de Système U.

Car l’adoption du drive par les Français a été très rapide. Selon une étude Harris Interactive publiée en décembre 2012, près d’un Français sur cinq y aurait déjà recours. Et pour cause, il présente de nombreux avantages comme la facilité d’utilisation, le gain de temps, la sérénité, et par ailleurs, il est considéré comme moins tentant, évitant ainsi tout achat d’impulsion propice à la hausse du budget courses. Si les Français y ont très vite vu leur intérêt, les enseignes, pour leur part, sont moins tranchées sur la question.

Un modèle en construction

De l’avis de nombreux professionnels du secteur de la grande distribution, si le drive présente pléthores d’avantages, il reste avant-tout, un modèle en construction. « Étant donné qu’il est une source d’investissements pour la grande distribution, le drive peut représenter un danger au regard de la réduction des marges », explique Nicolas Le Hérissier, directeur marketing du cybermarchand Houra.fr.

Pour l’heure, deux grands types de drive co-habitent. Tout d’abord, les drives déportés, aussi appelés drives « solo ». Cela consiste pour un distributeur, de se munir d’un entrepôt construit sur un site dédié, en totale indépendance d’un hypermarché ou d’un supermarché, auquel s’ajoute une zone de retrait des achats.

De tous les distributeurs, l’enseigne misant le plus sur ce modèle est E.Leclerc. Elle en possède 174, loin devant le second, Chronodrive avec seulement 59 installations de ce type. Les drives déportés bénéficient d’un avantage fort, clin d’oeil à la sacro-sainte règle du choix de l’emplacement : « ils sont situés à des endroits géographiquement stratégiques, permettant de recruter de nouveaux clients, et donc de gagner des parts de marché ».

Néanmoins, l’inconvénient majeur porte sur les investissements de départ, relatifs à la construction d’une telle infrastructure. « Il faut aussi mécaniser l’entrepôt pour pouvoir espérer rentrer à terme dans ses frais, et cela coûte très cher ».

Pour autant, le jeu peut en valoir la chandelle, puisque selon les estimations de l’institut Nielsen, une seule unité de ce genre génère en moyenne annuellement un chiffre d’affaires de 5,3 millions d’euros. Une belle performance au regard notamment du nombre de références proposé aux clients, plus restreint que l’autre grand modèle du genre : le drive accolé.

Un risque accru de cannibalisation des ventes

Le drive accolé, comme le sous-entend son nom, est généralement situé dans la même zone commerciale que le point de vente et se compose bien souvent d’une zone de stockage dédiée au sein du magasin. Le drive s’approvisionne en produits depuis ces espaces dédiés, ou en cas de rupture ou de commandes de produits frais, directement dans les rayons du magasins. Cela s’appelle le « picking« . Certaines enseignes optent même pour des drives 100% picking.

Les trois grands distributeurs ayant opté pour cette formule sont Carrefour avec 263 unités, Système U (238) et Intermarché (235). « L’intérêt majeur du drive accolé porte sur la rapidité à l’installer sur un point de vente, explique Thierry Desouches.

En revanche, la principale difficulté porte sur l’anticipation des ventes, et donc, du volume de commandes à réaliser pour remplir les stocks du magasin ». Le risque étant évidemment d’être confronté à des ruptures temporaires de produits au sein même du point de vente. La solution choisie par de nombreux distributeurs étant de proposer un équivalent, en MDD par exemple.

 

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L’autre grand danger du drive accolé, concerne le risque de cannibalisation des ventes du magasin. A en croire les estimations de l’Institut Nielsen, elle pourrait même être très significative, entre 30% et 50% du CA du magasin auquel il est adossé. C’est peut-être la raison pour laquelle ce modèle est celui qui génère le plus de chiffre d’affaires moyen annuel : 5,7 millions d’euros par unité.

Il en est un cependant, qui pourrait faire exception à la règle. Il s’agit du cybermarchand Houra.fr. En janvier 2013, il a ouvert un drive accolé à son entrepôt de Marignane (en région Paca), proposant ainsi plus de 20 000 références aux internautes. Son premier bilan est sans appel : « le drive nous apporte quasi exclusivement de la nouvelle clientèle, dont la typologie est plus diversifiée que notre coeur de clientèle, plus régulière dans ses achats, mais un peu moins dépensière », explique Nicolas Le Herissier. Leur panier moyen, de 120 euros, est en effet de 100 euros moins élevé que les adeptes de la livraison à domicile. Le drive s’affiche là, comme un vrai relai de croissance. Mais celui-ci est menacé, du moins dans son expansion.

Le Drive sous une épée de Damoclès ?

Le succès du drive pourrait-il prendre fin du jour au lendemain ? C’est ce que craignent certains professionnels de la grande distribution. La menace est double. La première porte sur des questions légales.

La ministre de l’Artisanat, du Commerce et du Tourisme Sylvia Pinel souhaite en effet intégrer les drives dans l’urbanisme commercial, en les soumettant donc à une demande d’autorisation au même titre que tous les autres commerces.

Demain, ouvrir un drive déporté pourrait donc devenir beaucoup plus compliqué. La proposition de Sylvia Pinel sera soumise au Parlement dès la rentrée 2013, dans le cadre de l’examen du projet de loi « Aménagement logement et urbanisme rénové (Alur) ». La grande distribution suit le dossier de près, et ne voit pas d’un très bon oeil cette évolution, rappelant notamment que les drives crées de nombreux d’emplois chaque année.

Mais la profession est également attentive à une autre menace.

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